Philippe Gervais-Lambony. Territoires Citadins: Quatre Villes Africaines. Paris: Belin, 2003. 272 pp. EUR 22.00 (paper), ISBN 978-2-7011-3375-1.
Reviewed by Jean-Luc Piermay (Department of Geography, University Louis Pasteur, Strasbourg, France)
Published on H-SAfrica (December, 2005)
What kind of relationship connects the inhabitant and his/her city and what concepts can we use to analyze this relationship? In this book, Philippe Gervais-Lambony looks back to his own scientific itinerary, dedicated to sub-Saharan African cities: Lome (Togo), Harare (Zimbabwe), and, at length, Johannesburg and the East Rand (South Africa). As in his previous books, the author underlines the central importance of comparison in the social sciences.[1] A classical dilemma crisscrosses the whole book: for a researcher dedicated to fieldwork and skilled at grasping his interlocutors' feelings and perceptions through field analyses, how is it possible to reduce the huge conceptual gap between an understanding of the individuals and an approach focusing on the different social groups (from the family to the whole city)?
Also, the book focuses on concepts that convey the meaning of places. Through their geographical dimension, the author questions the notions of "citadinity," "territory" and "territoriality," as well as more common notions like identity or segregation. This method is always combined with other social sciences, literature and, especially, philosophy. Representations, symbols, discourses and images occupy an important place in this book, always with the idea that urban societies are in a process of constructing themselves. But Gervais-Lambony's analysis is not only theoretical; instead concepts are connected to a strong field experience in which South Africa takes the main role. For instance, the legacies of apartheid as well as today's polarizations of identities are used to show the complexity of territorial productions. A detailed exploration of the "improbable" territorial construction of the East Rand municipality is very instructive in this regard. Many enclosed texts allow a more accurate and better-elaborated study of specific points, while somehow hampering the reading of the book.
For the author, "citadinity" is an individual form of a relation to the city, while "urbanity" points to a link with both a metropolitan/urban scale and a community. Citadinity informs the social identity of the city dweller--this identity being defined as a social construct, including both personal consciousness and a collective belonging through, for instance, a common language. Identity has also a spatial dimension. What about the "territory," in a context where place becomes less and less differentiated in a standardizing globalization? For Gervais-Lambony, the notion of "territory" reflects a specific relationship between human beings and their environment, in which space allows a double inscription: a horizontal one for the person in his/her society and a vertical one for him/her in the whole world. In other words, it is a collective mode of dwelling. For the author, this dual approach allows him to go past paradigmatic crises of the concept of territory. Contemporary societies are undergoing one of these crises, within a quickening globalization process. Gervais-Lambony compares it with the sixteenth-century crisis, when Galilean thinking gave Earth (that is, the human world) a new place in the universe. The author tackles this conceptual change with great subtlety (pp. 89-92).
The book contains some very beautiful passages, for example when the author mobilizes philosophy for a deeper investigation of geographical concepts. Nevertheless, I find his definition of the "territory" not very operational. Moreover, the author does not elaborate on this definition after a long study of urbanization processes on the Witwatersrand. He prefers to develop a very accurate analysis of the importance of articulation in a complex world: articulations between scales (and not only between individual and collective scales), and between lived space and organized space, whatever the ambition and the shape of this organization may be. One then wonders why the "political" (meant as a structuring factor of society) is not an essential part of Gervais-Lambony's definition of territory. Territorial processes cannot be understood without taking into account the tensions around which the social space is built.
This book shows how rich the South African case is for dealing with questions about space. Even through it contains some overstatements, it questions cities and their future in general. The concepts of city, metropolis, and segregation as well as fragmentation (social, spatial, managerial) could be re-evaluated through the South African experience.[2] More generally, which words should be used, which questions asked in order to understand the contemporary paradigmatic changes of urban space? And what is the role of space in today's mutations, radically changing the relationships between societies and distance? This would be a beautiful scientific project, inspired by a stimulating book.
Notes
[1]. Philippe Gervais-Lambony, De Lomé à Harare : Le fait citadin en Afrique (Paris-Nairobi: Karthala-IFRA, 1994); L'Afrique du Sud et les états voisins (Paris : A. Colin, collection U, 1997); La nouvelle Afrique du Sud (Paris: La Documentation française, 1998); Philippe Gervais-Lambony, Sylvy Jaglin and Alan Mabin, La question urbaine en Afrique australe : Perspectives de recherche (Johannesburg-Paris: IFAS-Karthala, 1999).
[2]. With regard to concepts of city, metropolis and segregation, why not mention "secession," the departure of the middle class towards the outskirts of the city, which is for M-C. Jaillet the driving force of segregation? Marie-Christine Jaillet, "Peut-on parler de sécession urbaine à propos des villes européennes ?," Esprit, "Quand la ville se défait" (1999): pp. 62-85; La nouvelle question urbaine (Paris: PUCA, 2001).
[Editor's note: For French books, we try, whenever possible, to offer a bilingual review. The French text follows.]
De quelle nature est le rapport entre l'habitant et sa ville? Quels sont les concepts permettant d'en rendre compte? Philippe Gervais-Lambony interroge avec recul un itinéraire scientifique consacré à la question de la ville en Afrique sud-saharienne [1]. Il prend en compte les villes dans lesquelles il a travaillé: Lomé au Togo, Harare au Zimbabwe, mais surtout Johannesburg et l'East Rand en Afrique du sud, soulignant une nouvelle fois l'importance qu'il accorde à la démarche comparatiste. Un dilemme traverse tout l'ouvrage: pour le chercheur habitué au terrain, habile à capter de manière très fine les tranches de vie de ses interlocuteurs par le biais des enquêtes de terrain, comment résorber l'immense écart conceptuel entre l'approche de l'individu et l'approche des différentes formes de collectifs, depuis la famille jusqu'à la ville tout entière ?
Ce livre est donc une interrogation sur les concepts exprimant le sens des lieux. L'auteur aborde plusieurs concepts, citadinité, territoire et territorialité, identité, ségrégation, en les observant dans leur dimension géographique, celle-ci étant toujours croisée avec le regard d'autres sciences sociales, de la littérature et (surtout) de la philosophie. Les représentations, les symboles, les discours et les images tiennent ainsi une place importante dans cette approche. La richesse de cet ouvrage est qu'il pose la question des concepts avec la perspective que les sociétés urbaines étudiées sont dans une démarche de construction. Mais l'analyse n'est pas que théorique: les concepts sont passés au crible d'une forte expérience de terrain, dans laquelle l'Afrique du sud tient un rôle majeur. En effet, l'héritage de l'apartheid mais aussi les replis identitaires actuels montrent toute la complexité des constructions territoriales. Le décorticage des constructions territoriales improbables de l'East Rand est particulièrement instructif. La présence de textes encadrés portant sur des points plus précis et plus fouillés permet d'approfondir certains points, mais cela ne facilite pas toujours la lecture de l'ouvrage.
Pour l'auteur, la citadinité est une forme individuelle de rapport à l'espace urbain; cette relation assure donc le passage de l'échelle individuelle à la collective. La citadinité fonde l'identité du citadin, mais cette identité est construction sociale, à la fois conscience de soi et identification à un groupe par le biais d'un discours. La dimension spatiale fait partie de l'identité, mais qu'en est-il du "territoire," alors que les lieux s'indifférencient dans le cadre d'une mondialisation qui uniformise? Gervais-Lambony fait la proposition que ce terme correspond à une relation particulière des hommes et de leur environnement, dans laquelle l'espace est l'instrument qui permet la double inscription horizontale de l'individu dans la société et verticale dans le monde, autrement dit d'un "habiter" collectif. Cette approche permet, selon lui, de dépasser les crises paradigmatiques qu'a connu l'idée de territoire. Une de ces crises est celle que les sociétés vivent aujourd'hui dans une mondialisation qui s'accélère. L'auteur la met en regard de celle du XVIe siècle, traduite par la pensée galiléenne qui accordait à la Terre (donc, au monde des hommes) une autre place dans l'univers. La description des enjeux de celle-ci constitue quelques unes des plus belles pages de l'ouvrage (pp. 89-92).
Le livre contient de très beaux passages, notamment quand il mobilise les approches de la philosophie au service d'un approfondissement des concepts de la géographie. Je reste toutefois dubitatif face à une définition peu opérationnelle du territoire, sur laquelle d'ailleurs l'auteur ne revient pas au terme d'une longue analyse sur les processus d'urbanisation dans le Witwatersrand sud-africain. Bien au contraire, dans ses analyses précises, l'auteur met en avant des questions d'articulations, dans un monde marqué par la complexité, articulations entre les échelles -et pas seulement entre échelles individuelles et collectives-, articulations entre l'espace vécu et l'espace organisé -quelles que soient l'ambition et la forme de cette organisation. On se dit alors que le mot "politique" (au sens de facteur structurant la société) devrait faire partie de cette définition et que les processus de territorialisation ne peuvent être pensés hors des tensions autour desquelles se construit l'espace des sociétés. Les analyses de ce livre montrent combien est riche le matériau sud-africain pour aborder les questions d'espace. Par ses exagérations même, il pose des questions essentielles sur le devenir de la ville en général. Les concepts de ville, de métropole, de ségrégation (pourquoi ne pas parler de sécession, c'est-à -dire d'un départ des couches moyennes qui, d'après M-C. Jaillet[2], serait le véritable moteur des ségrégations?), de fragmentation (sociale, spatiale, gestionnaire?) devraient être réexaminés au regard de cette expérience sud-africaine. Cela pose des questions de fond: au travers du changement paradigmatique que l'espace urbain connaît actuellement, quels sont les mots, quelles sont les questions qui méritent d'être posées pour comprendre les changements en cours? Et quel est le rôle de l'espace dans ces mutations, qui transforment radicalement le rapport des sociétés à la distance? Voilà un beau projet, qui pourrait être le prolongement de ce livre stimulant.
Notes
[1]. Philippe Gervais-Lambony, De Lomé à Harare: Le fait citadin en Afrique (Paris-Nairobi: Karthala-IFRA, 1994); L'Afrique du Sud et les états voisins (Paris: A. Colin, collection U, 1997); La nouvelle Afrique du Sud (Paris: La Documentation française, 1998); Philippe Gervais-Lambony, Sylvy Jaglin and Alan Mabin, La question urbaine en Afrique australe: Perspectives de recherche (Johannesburg-Paris: IFAS-Karthala, 1999).
[2]. Marie-Christine Jaillet, "Peut-on parler de sécession urbaine à propos des villes européennes?," Esprit, "Quand la ville se défait" (1999): pp. 62-85; La nouvelle question urbaine (Paris: PUCA, 2001).
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Citation:
Jean-Luc Piermay. Review of Gervais-Lambony, Philippe, Territoires Citadins: Quatre Villes Africaines.
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